Mehdi Savalli à cœur ouvert.

12/05/2014 17:26

 

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Mehdi Savalli à  cœur ouvert.

 

                       

                                  

 Quelques heures  avant sa  bonne prestation en Arles  face aux fauves de Miuras et avant un rendez vous crucial dans le Sud Ouest à Aire sur Adour  le Matador Mehdi Savalli s’est confié à l’Envers du Mundillo.

 Ses espérances, son état d’esprit ou encore les difficultés à toréer,  Mehdi Savalli répond aux questions comme il est dans le ruedo : franc direct et sans langue de bois.

 

 

Introduction:

Mehdi Savalli fait partie de ces toreros particulièrement appréciés des aficionados. Athlétique dans son toreo, il  croit en lui, grâce à son  pundonor  dans l’arène il paye comptant, il a toujours eu les qualités d’un grand torero,  mais malheureusement  est-ce le système? sa personnalité "bouillonante"? ou simplement l’envers du mundillo?: le fait est que le  Matador Arlésien se rajoute à la longue et sinistre liste de ceux que je nomme dans un article  : « Los Olvidados del Toreo » ; c'est-à-dire tous ces toreros qui ont tout pour faire une carrière plus qu’honorable et qui seuls doivent compter sur « un  contrat » pour en décrocher un deuxième.

 

 

 

MV : Maestro bonjour ; Tout d’abord « suerte pour Dimanche en Arles.

MS : Merci, c’est vrai que j’attends beaucoup de cette miurada, je me suis bien préparé, c’est ma ville donc j’espère que la corrida sortira bonne.

 

MV : Commençons par une question que moi comme beaucoup nous nous posons : comment expliquer qu’en six ans vous passiez du statut de Novillero « puntero » (ndr Prix royal du meilleur novillero en 2005) à celui d’espoir Français comme matador, et qu’aujourd’hui vous vous fassiez si rare ?

MS : C’est difficile de répondre comme ça ;  c’est vrai que j’ai eu la chance de toréer beaucoup en novillada, j’ai ensuite pris mon alternative à Arles, alternative de categoria  avec César Rincón et  Juan Bautista,  puis  peu à peu les choses  sont devenues plus difficiles.

 

MV : A cause du passage du novillo au taureau de quatre ans ?

MS : Non je ne peux pas dire ça, car je me suis senti très vite à l’aise avec le taureau de corrida, j’ai eu d’ailleurs de très  bon moments  avec des taureaux qui avaient du moteur. Je pense plutôt que dans ce métier le fait d’être bien entouré est primordial sinon…

 

MV : Voulez vous dire par là que vous avez manqué d’appuis au niveau des empresas par exemple, ou du « mundillo » plus généralement ?

MS : Et bien, d’un côté oui, de l’autre non : j’ai été suivi depuis le début de ma carrière par Paquito Leal, que je tiens à remercier encore ici, mais peu à peu j’ai moins toréé donc on m’a proposé des corridas dures, que j’ai évidemment acceptées  avec  lesquelles j’ai connu de bon triomphes ce qui fait que les imprésarios m’ont catalogué dans « les corridas dures » alors que les autres années on me donnait d’autres opportunités.

 

MV : Vous êtes un torero athlétique, très physique vous plantez les palos et à la fois lorsque le taureau le permet on voit un Mehdi Savalli toréer con « arte ».

MS : C’est vrai que j’arrive à toréer je dirais « dans la catégorie artiste » quand le taureau le permet je prends énormément de plaisir à donner ces passes. Mais j’arrive  aussi le faire avec des taureaux difficiles,  notamment avec les Adolfos Martin avec lesquels j’ai pu m’exprimer et surtout exprimer le côté artiste que j’ai en moi. 

 

                                            (Mehdi Savalli a gusto, con arte.)

 

 

 

 

MV : Finalement  cette qualité que vous avez, pouvoir toréer puesto et à la fois de façon entre guillemets bouillonnante ne vous dessert-elle envers les empresas ?

MS : (…) ; non car je veux être un torero « tout terrain » et quand je dois toréer des corridas dures on voit alors le Mehdi guerrier, lidiador ; j’aime aussi cela : pouvoir montrer que je peux tout toréer  tout les toros les bons comme les mauvais. Le problème ce n’est pas que je puisse être artiste et à la fois  physique à planter les banderilles, le problème c’est que lorsqu’on est bien trois ou quatre fois avec des ganderias difficiles, qu’on vous met « au dur » on vous laisse avec ces ganaderias. Personnellement  je voudrais sortir de cercle vicieux qui consiste à dire : puisque Mehdi est bon avec le bétail compliqué  on va lui proposer que ce genre de courses.

 

MV : Mais il est vrai que vous sortez souvent en triomphe  lors de ces corridas : des matadors de renom Ruiz Miguel El Fundi par exemple ont fait carrière comme lidiadores ?

MS : C’est vrai que   je pense avoir fait  mes preuves avec les corridas dures, Adolfo Martin, Victorinos, Miuras . On veut que je reste dans cette gamme là, mais moi maintenant je veux m’en sortir, je voudrais pouvoir toréer d’autres taureaux qui me permettent de m’exprimer de faire le toreo que j’aime pour régaler le public.  Qu’on puisse voir, non pas un autre Mehdi Savalli mais simplement l’autre côté de la médaille.

 

MV : Justement  puisque l’on parle des corridas dures dans lesquelles vous êtes pour le moment catalogué, avec quelle encaste avez-vous pris réellement du plaisir ?

MS : Et bien je me suis parfois senti bien avec les « Adolfos »  si je devais  retenir  une ganaderia compliquée avec laquelle j’ai pris du plaisir je dirais les « Victorinos ». Le « Victorino » est certes dure, mais lorsqu’il en sort un bon, qui met bien la tête et que ce jour là le torero est présent, il y a une communion qui se créé et on arrive à une osmose parfaite.

 

MV : Alors pourquoi, même si vous aspirez à d’autres corridas, les empresas ne vous répètent pas, quitte à ce que ce soit qu’avec ce type de courses ? Car sans parler de cette année, l’année 2012 fut une année pauvre en contrats.

MS : Oui c’est sur c’est difficile. Je n’ai pas eu de chance non plus ; j’étais engagé sur une corrida à Saint Martin de Crau sur laquelle je comptais qui a été annulée à cause de la pluie et au final je n’ai pas toréé de l’année (ndr année 2012) à part quelques festivals comme à Mont de marsan ou Mimizan c’est tout. Après les emprésarios ne m’ont pas engagé non plus parce que j’étais sans apoderado pour négocier et trouver des contrats, à partir de là c’est encore plus compliqué…

 

MV : Puisque l’on est au cœur du « mundillo », avant d’aborder le thème de l’apodéramiento, j’aimerais revenir sur une personne qui a beaucoup compté pour vous, c’est évidemment Paquito Leal.

MS : Paquito Leal*  compte énormément, d’abord parce que c’est lui qui en quelque sorte m’a élevé dans la tauromachie ; il était professeur de l’école taurine d’Arles. Je me souviens en tant qu’élève je voulais me donnais à fond pour être le meilleur à ses yeux ; il a toujours été là pour moi dans les bons comme les mauvais moments, il a un cœur énorme c’est pour ça que c’est quelqu’un que j’oublierai jamais.

 

MV : C’est un bel hommage que vous rendez là  à ce grand Monsieur  qu’on ne peut oublier lorsqu’on a eu la chance de le côtoyer. Revenons aux sujets qui fâchent (rires). Quels sont les apoderados qui vous ont suivi depuis le début ?

MS : Il y en a eu trois ; d’abord Robert Piles, Alain Lartigues et enfin Denis Loré.

 

MV : Ces trois personnes sont influentes dans le mundillo, à même de vous trouver des contrats. Comment se fait-il, je sais que c’est une question délicate, qu’aujourd’hui vous vous retrouviez seul ?

MS : Parce que il n’y a pas eu de gros gros triomphes dans de grandes arènes et après les apoderados changent de toréros car  après  ils savent que ça va être compliqué, qu’ils ne vont pas être à même de me trouver d’autres contrats donc ils ont préféré arrêter…

 

MV : Personnellement que je trouve ça dommage, nous savons  qu’un torero peut avoir un bache, et si l’apodérado ne l'a pas suivi  malgré tout,  le matador entre dans un cercle vicieux. Qu'en pensez vous?

MS : C'est vrai c’est dommage c’est sur, mais c’est le système…après dans mon cas là, je suis seul donc c’est moi qui me trouve les contrats ; il y a bien sur des personnes qui m’aident, par exemple Luc Jalabert qui me donne ma chance à Arles, chez moi, les gens m’attendent Luc Jalabert m’a donné ma chance maintenant c’est à moi de la saisir Sans oublier Paquito Leal qui continue à veiller sur moi comme un second père un peu...

 

MV : justement, le fait qu’il y ait autant de « responsabilidad » est ce que ça ne vous inhibe pas ?

MS : C’est vrai que c’est une corrida avec beaucoup de responsabilité ; c’est le début de saison, devant mon public en plus avec les Miuras donc j’attends beaucoup. Après ça ne m’inhibe pas, c’est vrai que c’est une corrida difficile mais je me suis bien préparé tant au niveau mental que physique j’ai pas mal toréé cette ganaderia, j’y ai pris  des fois  beaucoup de plaisir donc si les toros sortent bien je pourrai démontrer aussi l’autre facette dont vous parliez tout à l’heure, c'est-à-dire le côté disons un peu artiste et si je peux donner quelques passes comme ça plus puesto, déjà je me régalerai et je pense que le public sera content de me voir ainsi. (ndr : Rappel : interview réalisée deux jours avant la corrida du 20/04)

 

MV : c’est tout ce qu’on vous souhaite. Après l’autre compromiso c’est Aire/Adour où là c’est aussi très important car vous revenez dans le Sud Ouest, j’imagine que vous attendez beaucoup de cette course de Baltasar Iban ?

MS : C’est sur que ce sera une corrida très importante, car le public  du Sud Ouest est un public que  j’apprécie énormément avec lequel  je me suis toujours très bien entendu, les gens m’ont souvent vu triompher  je pense qu’avec moi  ils ont pu se régaler, en tout cas moi avec cette aficion j’ai pris beaucoup, beaucoup, beaucoup de plaisir donc c’est dommage qu’il y ait qu’une opportunité mais maintenant c’est à moi de la saisir pour m’ouvrir d’autres portes dans ce coin là, car le public du Sud Ouest est un public extrêmement  chaleureux et j’ai vraiment envie de renouer avec lui. (ndr : l’an dernier au Plumaçon ou  Mimizan on a pu vérifier cet engouement autour du maestro ).

 

MV : On voit dans vos propos que ces deux tardes sont d’une importance capitale pour vous ; tant dans le domaine du plaisir bien sur, mais aussi on peut l’imaginer pour la suite de votre carrière ; notamment retrouver un apoderado non ?

MS : C’est vrai que par rapport à tout ça je me dois d’être bien  pour la suite de ma carrière afin de trouver par exemple un apoderado come vous dites,  qui m’aiderait à toréer plus de corridas. 

 

MV : Sans donner de noms bien sur, avez-vous des sollicitations d’apoderamiento en ce moment justement ?

MS : Oui j’ai des sollicitations, après ils attendent de voir comment vont se dérouler ces deux corridas. Pour revenir à celle d’Aire par exemple, elle est aussi très très très importante, car je pense que justement ces gens attendent de voir les résultats, comment je m’en sors et après je pense, du moins j’espère que ça se fera…

 

MV : là aussi c’est « tout le mal » qu’on vous souhaite ! J’aimerais que l’on aborde ensemble un sujet qui me tient particulièrement à cœur et dans lequel vous avez un rôle important c’est l’AMTF (ndr Association des Matadores de Taureaux Français).  Pourriez-vous expliquer en quoi consiste exactement cette institution et le rôle précis que vous Mehdi Savalli avez au sein de l’AMTF ?

MS : Oui bien sur ;  et bien moi je peux  dire que c’est vraiment  une association très importante pour tout le toreo français ;  nous organisons régulièrement des festivals qui nous permettent déjà à nous matadors de toréer (ndr :  ex :  Festival Taurin de Mimizan le 1er août 2013). Après on aide aussi les élèves  de toutes les écoles taurines de France en les permettant de se confronter à l’animal en leur faisant tuer quelques toros ou quelques vaches le plus souvent possible.

 

                                   (Mimizan: 1/08/2013: Festival au profit de L'AMTF.)

 

 

 

MV : Alors justement, faisant partie de l’AMTF  et ayant commencé à l’école taurine d’Arles,  est ce que vous « revenez régulièrement sur vos terres » avec l'AMTF ?

MS : Oui souvent, car L’Ecole taurine d’Arles marque mes débuts, elle a fait, avec Paquito Leal beaucoup pour moi donc je fais tout ce que je peux pour la remercier à ma façon : par exemple  j’ai offert un costume de lumières, je donne des cours de "toreo de salon";  ensuite avec l’AMTF nous avons régulièrement des réunions  et en fonction de notre budget on organise des festivals pour que tout le monde y trouve son compte. C'est-à-dire nous les matadors et on invite  aussi des jeunes d’écoles taurines, dont celle d'Arles bien sur puique vous m'en parliez à toréer un ou deux Eral ou novillo ce qui leur permet à la fois de se mesurer à du bétail mais en plus de le faire en public.

 

MV : Je vous remercie pour ces précisions et je pense qu’on peut tirer un grand coup de châpeau à tous ceux qui font vivre cette association ; toreros, volontaires sans oublier le public, puisque rappelons que la recette de ces festivals est reversée à l’AMTF.

MV : Revenons à vous ; il est courant de comparer un torero à un autre. Pour moi chaque torero est différent : comment vous, Mehdi Savalli  définiriez vous votre toreo ?

MS : Je suis un torero, je dirais bouillonnant pour essayer de transmettre aux spectateurs ce que je suis dans le ruedo, donc avec un peu de folie par des passes à genoux un toreo , baroque en quelque sorte,  mais j’y tiens  à la fois artiste, et ça c’est beau c’est ce qui me plait.

 

MV : Sans faire de psychanalyse de comptoire;  est ce que ce côté baroque et à la fois artiste ne serait pas le reflet de votre personnalité  au quotidien ?

MS : Oui  complètement! Dans la vie comme dans l’arène je suis pareil. Ma tauromachie reflète qui je suis. C’est vrai que  je suis quelqu’un de posé mais à la fois de bouillonnant je le répète, et ça je le transmets naturellement dans la plaza, dans ma tauromachie. Je ne triche jamais car quand le public voit un torero qui se joue la vie avec sincérité ,  je pense alors que là il est est réellement touché. De toute façon on ne peut pas tricher devant le taureau ou alors ça reviendrait à se mentir à soi-même.

 

MV : Toutes les bonnes choses ont une fin, alors pour terminer : spontanément,  si  je vous demande   trois dates dans votre carrière de torero qui vous ont marquées : quelles seraient –elles ?

MS : Les trois moments, même s’il y en a beaucoup d’autres,  qui me viendrait comme ça à l’esprit  ce serait bien sur  mon alternative en 2006 chez moi à Arles devant mon public mes proches, des mains du grand César Rincón avec Juan Bautista comme témoin ; et ensuite,  la première fois où j’ai toréé dans les deux grandes arènes mythiques  que sont Seville et Madrid.

 

MV : Et bien maestro il me reste à vous remercier vraiment pour votre sympathie et votre disponibilité et bien sûr on croise les doigts pour dimanche.

MS : Merci à vous et à bientôt

*Paquito Leal  Directeur de l'Ecole Taurine d'Arles.

 

Interview réalisée le 18/042013 par  Marc Vargas,

Photos: Marc Vargas

 

 

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